La construction d’une résidence de vingt logements à Brest (Finistère), rencontre une vive opposition de la part de riverains. Malgré une météo exécrable, la visite du quartier a réuni une trentaine de sympathisants ce samedi 18 novembre 2023.
Voici le texte de l’intervention de Bénédicte Havard Duclos au nom de l‘association « Au Pied du Mur » lors de la Visite « Bouguen en colère » du samedi 18 novembre 2023 à 11H.
« L’objectif depuis notre création il y a 2 ans c’est de promouvoir une vision partagée de l’urbanisme préservant le bien commun, à l’échelle de la Métropole, et de nous opposer à tous les projets contraires à la défense de ce bien commun.Partout à Brest et dans sa métropole la chasse aux pavillons est déclarée – des maisons individuelles sur des jardins un peu grands sont rachetés à Kérinou, à St Martin, à Lambézellec, à St Marc, à St Pierre… par des promoteurs. Ils achètent à un prix, bien au-delà de ce qu’un particulier pourrait se permettre pour récupérer le foncier. Ils détruisent la maison et ensuite ils bétonnent au maximum de ce que le Plan Local d’urbanisme leur permet – 3-4-jusqu’à 7 étages selon les lieux… – au mépris de ce qui fait l’identité de ces quartiers de maisons, sans considération pour les habitants et habitantes déjà là, les voisins et voisines, les animaux qui trouvent refuge dans ces jardins urbains et les arbres qui y poussent. Parce qu’évidemment pas un brin d’herbe ni un arbre ne survit à cette folie de béton : le devenir de cet eucalyptus qui a résisté à une tempête d’une violence inouïe serait d’être ravagé par un bulldozer ?
Alors On nous dit qu’il n’y a pas le choix.
– Que c’est la seule option pour faire face à la crise du logement, pour permettre le développement de notre ville et l’accueil de nouveaux habitants et habitantes qui ont découvert l’attractivité de notre territoire.
– Que densifier en ville permet de protéger les terres agricoles, de lutter contre l’artificialisation de nos campagnes et l’étalement urbain,
– Que nous sommes des égoïstes qui défendons nos intérêts privés et nos privilèges.
Mais nous ne faisons pas la même analyse de la réalité. Une densification faite n’importe comment, n’importe où, marquée par la démesure, sans réflexion partagée avec les habitants et les habitantes a des effets complètement contre-productifs… Elle produit exactement l’inverse de ce qui est prétendument visé : encore plus de départ hors de Brest, encore plus de logements chers, inadaptés pour les familles et inaccessibles.
Des parcelles trop grandes en proximité du centre ville ce n’est en effet plus toujours cohérent avec les enjeux de sobriété et de solidarité et il faut réfléchir à des formes de densification cohérente. Mais passer comme ici d’une seule maison à 20 logements, c’est insensé ! Où est-il possible d’imaginer une croissance de +1900 quand la croissance démographique est de +0,2%/ an en Finistère !!!
Il est de notre devoir de citoyen et de citoyenne de nous opposer à des projets qui prétendent œuvrer pour l’intérêt général mais servent de fait à enrichir quelques uns au détriment du plus grand nombre.
-Œuvrer pour l’intérêt général ça n’est pas dérouler le tapis rouge à des appétits spéculatifs, et accepter d’offrir des rentabilités indécentes à des promoteurs privés
-Œuvrer pour l’intérêt général ça n’est pas abattre des arbres, défigurer nos quartiers, nier notre patrimoine commun
-Œuvrer pour l’intérêt général ça n’est pas laisser faire le marché, sans s’assurer que les logements construits seront bien accessibles financièrement aux habitants et habitants, sans s’assurer qu’ils ne seront pas détournés en machine à cash pour de la location saisonnière meublée
Les décisions d’aménagement ou de développement urbain doivent devenir l’affaire de nous tous et de nous toutes, et pas celles des seuls promoteurs auxquels les élus se soumettent trop complaisamment, et dont les projets, comme ici, génèrent crispation, incompréhension, colère et rejet.
– Comment garantir le droit pour tous et toutes à un logement financièrement accessible, décent et beau ?
– Comment rendre effectif un droit à une ville belle et harmonieuse pour chacun et chacune ?
– Comment densifier tout en préservant l’intimité des logements et la qualité de vie des habitants et des habitantes, la qualité des lieux publics, le droit à la lumière, à la vue, le lien avec les autres espèces et notamment les arbres ?
– Comment organiser la mixité sociale et la cohabitation entre tous et toutes ?
– Quelle place pour la nature et la biodiversité en ville ?
– Comment prendre à bras le corps les enjeux environnementaux sur la qualité de l’air, des sols, de l’eau, de l’énergie ?
Toutes ces questions sont trop importantes pour les laisser à quelques uns.
Toutes ces questions sont trop vitales pour être laissées au marché.
Toutes ces questions sont trop complexes pour être tranchées en ignorant la voix des citoyens et des citoyennes, dans la diversité de leurs expertises et de leurs expériences.
Alors nous le redisons : nous voulons une ville durable, qui se construit avec et pour nous tous et toutes, pas sans nous et certainement pas contre nous. »